Etienne Martin, une peinture lumineuse et élégante qui sublime Sisteron
Né en 1856, ce peintre provençal sera toute sa vie tourné vers le passé et les traditions. Alors que la ville prépare une grande exposition de ses oeuvres au printemps, retour sur un artiste qui a magnifié Sisteron avec des tableaux d’une élégance et d’une beauté rares.
« …
Un dimanche il y a la kermesse des scouts ; le dimanche suivant
c’est le cirque Rancy : un autre jour la fête à Marcoux ou à
Gaubert ; puis les courses d’Oraison. En résumé il y a du
monde partout … sauf au Musée. Et d’ailleurs sur qui puis-je
compter ? ... » (extrait de la lettre écrite au maire de
Digne le 20 septembre 1930). Etienne Martin est un passionné !
Il défend âprement le musée de Digne ouvert en 1889, créé par
son père Paul avec son ami Louis Daime. Les Martin et le musée, une
aventure familiale ! Il n’est donc pas tout à fait étonnant
d’y trouver de nombreuses œuvres des Martin.
2 –
Biographie
Il a
une autre passion, la musique. Il fréquente Théodore Thurner, un
ami de la famille qui lui dédiera des œuvres, comme « Sous
les pins », Souvenir des Basses-Alpes : Fleur des
Montagnes, Thorame-basse, Deux papillons ». Il joue au piano
lors de « causeries » académiques à Marseille, comme à
la séance du 15 mai 1913. En prélude à sa prestation, « …
- je ne dirai pas un musicien – mais l’imitation, la caricature
d’un musicien. En un mot, un misérable peintre qui, non content
d’ignorer son métier, ose encore en aborder un autre ! ». Il
interprétera « La sonate en ut dièze mineur » de
Beethoven, « Fantaisie en ut mineur » de Mozart,
« Première ballade en sol mineur » de Chopin, et
« Caprice sur Alceste de Gluck » de Saint-Saens.
Etienne
Martin a présenté ses œuvres à différents salons avec une
presque égale unanimité sur son travail de composition et de
qualité technique, un maître paysagiste. Pourtant « sa brosse
manque par endroits de force et son ton de chaleur » (Servian,
La Vie Provençale, août 1899).
Etienne
Martin est le fils de son père, un homme du XIXe siècle, ancré
dans le romantisme de la tradition. Une tradition née dans son
enfance insouciante et chaleureuse, qui s'éteindra quand ses yeux se
fermeront définitivement le 6 mars 1945 à Marseille.
Le
Musée de Digne est l’oeuvre de sa vie, il sera le trou noir des
finances d’Etienne Martin.
Pour
s’attarder sur les œuvres d’Etienne Martin il faudrait prendre
son bâton de pèlerin et parcourir ce Midi qu’il affectionnait.
Retirons quelques éléments qui marquent ces œuvres, comme les
diligences, l’extérieur naturel et l'âme des intérieurs. Ces
œuvres sont teintées de cette nostalgie d’une esthétique
académique et classique. Les couleurs sont délavées, ne voulant
pas céder à la mode des modernes. Ses paysages avec ses routes qui
sont parcourues par des diligences invitent le spectateur au voyage,
à entrer dans son monde de la Provence et des Basses-Alpes en
particulier. Il souhaite transmettre le bonheur de vivre dans cette
région, jamais de souffrance en dehors de celle de la couleur
écrasée et blanchie par le soleil. Les tableaux de paysages
s'éclairent de teintes pâles, de couleurs écrasées par le soleil,
par la lumière qui fait plisser les yeux pour ne retenir que les
contrastes, ils louent la beauté rude de la Haute-Provence. Il
connaît le destin de chacun, la disparition. Ses personnages nous
tournent fréquemment le dos et s'éloignent en silence.
D’autres
paysages sont « romantiques » dans leur couleur sombre du
soir, entre chien et loup, la dernière avant que la nuit ne vous
happe. Les ciels ne sont jamais uniformes par peur probablement d’un
infini qui nous rendrait trop insignifiant. Pourtant il l’encense :
« seule chose que la main de l’homme moderne n’ait pu
atteindre », disait-il avant que l'aviation en prenne possession et
qu'il dénoncera également.
Il
nous réserve aussi des intérieurs sombres où seule la lumière du
peintre éclaire ses inquiétudes, le passé et la tradition dans une
église ou dans une écurie. Ses aquarelles d'intérieur de la villa
familiale Saint-Martin dans les années 70 sont colorées et
lumineuses comme le veut la technique employée. Ses peintures à
l'huile des intérieurs trente ans plus tard sont des clairs-obscurs
qui ne découlent pas de la technique mais de son état d'esprit, de
sa quête nostalgique d'un bien-être à l'abri du temps et du monde
extérieur qui va trop vite pour Etienne Martin. Dans les
représentations d’intérieur, seule la lumière domestique ou
filtrée accorde son attention au sujet noyé dans son écrin
d’ombre.
Le
tableau « La Durance à Sisteron » (vers 1899),
trône dans la salle du conseil municipal de Sisteron. Il est scindé
en deux verticalement par la Durance et par le jeu de l’ombre et de
la lumière. C’est une fin d’après-midi de milieu d’automne,
le vert des arbustes est sombre même au soleil. Bourg_Reynaud est à
l'ombre, La Baume au soleil. Un pêcheur porte le canotier mais les
autres personnages sont tête nue au soleil. A gauche seule la rive
de la Durance est baignée de soleil pour se démarquer, et le
peintre équilibre ces forces en projetant des ombres supplémentaires
sur l’eau alors qu’elles s’arrêtent sur la rive. La Durance
charrie sur ses ondes le reflet de quelques nuages. Tout le bas du
tableau est dans une ombre incertaine, celle qui isole le sujet du
spectateur, la balustrade qui nous rassure et qui nous invite à
regarder au-delà. Les quatre personnages dans la lumière sont
cernés par la ville et le fleuve, entre ombre et lumière. Ils
seraient en quelque sorte le médaillon au cou de la ville. Ville
ombre, statique, figée, muette comme une prison ! Lumière
réfléchie dans le fleuve qui s’écoule comme le temps à
l'opposée des maisons ! Moins de nuages sur La Baume que sur
Sisteron. Et si nous investissons du regard l’une et l’autre
rives de la Durance, nous revenons à ces personnages baignés de
lumière. Dans nos esprits, des questions : qui sont-ils,
sont-ils heureux d’être là ? Ils nous ramènent à nous.
Chaque spectateur aura son interprétation du tableau. L’artiste,
conscient ou inconscient de ces réflexions, a emporté ses
sentiments dudit jour dans sa traversée du Styx.
D’autres
vue de Sisteron sont à son chevalet : « Vues de
Sisteron » depuis la place des aires, « La Durance à
Sisteron » sur le Bourg-Reynaud depuis le pont de La Baume,
« Vue de Sisteron » depuis la montée du Thor.
5 –
Héritage
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhjMD9IssXjSeIePUbvRDfJ6y4buiI8Rfk_-xXAkPANAF0V8sTRCkCAIFIH5ZOVNCcuiYMNTv74Sw-wb4gaq-QvYQcgcBLLcOEMBnfmVLSG8JTs_IhojYn1yggB25qVlPa1fBRBKF_qHrk/s1600/etienne+martin.jpg)
6 –
Conclusion
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgDlcooacbhYmK_15euHwIm28xHIe52ePLopsHUth4YSd63F1F8avSueI8k2bTQgwAkp4i-vMz6KUcR6CFa4MLQyyGkvCCkXax64rHhPnatkQ0wnm-rBl5uhdu11zwXUsSRmkOtHREBGDA/s320/Gustave+Ouvi%25C3%25A8re+Etienne+Martin+en+1924.gif)
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