Le Tivoli requalifié

Je viens d’une ville qui a donné son nom à un acte de destruction : la bruxellisation.
Dans tous les dictionnaires il s’agit d’un terme utilisé par les urbanistes pour désigner les bouleversements urbanistiques d'une ville livrée aux promoteurs au détriment du cadre de vie de ses habitants.
Derrière ces mots se cache la destruction de bâtiments emblématiques d’époque comme les périodes d’art nouveau et d’art déco essentiellement, et une grande part d’hôtels de maître le long de grandes avenues bruxelloises.
Ces bâtiments abritaient des logements, des bureaux ou des maisons syndicales par exemple. Ce qui était intéressant dans ces bâtiments, outre l’intérieur réservé à ceux qui étaient autorisés à y pénétrer, c’était la façade, visible par tous et qui formait un cadre, ce fameux cadre de vie réunit dans un ensemble dont la mémoire de chacun encore vivant s’était imprégnée.

Cette façade, décor de rue et de place, joue un rôle dans le collectif. Ainsi est né chez les architectes urbanistes l’idée de garder une façade et d’y « raser » l’intérieur pour y adapter les dernières mesures de sécurité et de technologies nécessaires à la destination du « nouveau bâtiment ».


Exemple de conservation de façade à Bruxelles


Revenons au cas du bâtiment du « Tivoli » à Sisteron. Sa construction fut destinée au collège de jeunes filles au XIXe siècle, puis vint la mixité. Sur d’anciens plans il y était déjà question d’un collège en 1607 (voir photo Martelange). Lors des travaux de réaménagement du site il faudra faire attention aux fondations qui pourraient nous révéler certains trésors et secrets. Quand le collège déménagea vers Les Plantiers – Beaulieu, le bâtiment fut investi par différents services municipaux et associations locales. Le vieillissement du bâtiment demande un entretien important, lourd financièrement pour la commune. On peut s’en convaincre facilement quand on y pénètre. C’est un grand bâtiment en forme de U qui possède ainsi trois ailes.

Un projet possible

Seule la façade du bâtiment en front de la place serait conservée ainsi que les côtés de ce bâtiment. Serait éventuellement conservé le toit. L’intérieur serait entièrement rasé pour faire place à la modernité d’aujourd’hui. Le quatrième côté serait en verre sur sa face principale. Les deux extrémités seraient conservées pour des escaliers et ascenseurs.  Cet aménagement favoriserait une vue sur un théâtre de verdure en palier ou restanque. A la place de la cour de l’école serait installée une place avec un jeu d’eau par exemple et peu d’aménagement pour favoriser l’idée d’espace et de transparence portés par la verrière du Tivoli. L’intérieur du bâtiment aurait une installation avec deux types de niveaux. Le rez-de-chaussée aurait un haut plafond pour aérer le lieu et donner la transition entre la façade traditionnel côté place et l’espace en élévation vers la citadelle. Les autres niveaux seraient d’une hauteur traditionnelle. Le dernier niveau, celui qui offrirait la plus belle vue serait aménagé partiellement en cafétaria-brasserie.  Une autre partie serait réservée à la vue panoramique. Tous les niveaux disposeraient de sièges, bancs et autres moyens de s’asseoir face à la citadelle.  Le rez-de-chaussée pourrait servir de lieu d’exposition temporaire pour asseoir définitivement la ville dans l ‘art.

Exemple de façade arrière pour le Tivoli.



L’objectif principal est d’étonner le visiteur par le côté patrimoine, même si celui-ci n’est pas d’une valeur exceptionnelle, et le côté moderne de la transparence. Pour rappel, les immeubles haussmanniens pullulent en France de la même époque que le Tivoli, et ils sont préservés et restaurés comme la rue de la République à Marseille. Autre exemple emblématique de la transparence, la pyramide du Louvre !
Nous ne sommes pas à la hauteur de ville comme Marseille ou Paris mais nous avons avec le Tivoli et la montée de la citadelle une possibilité de créer un espace innovant dans le département et le sud des Alpes avec la chance de créer un lien entre un passé militaire vieux de plusieurs siècles, un passé éducatif publique de plus d’un siècle et une modernité dans l’utilisation du verre. Inutile de chercher des plans inclinés en verre, ou des avancées arrondies ou autres volutes de verre, non, juste une façade lisse et droite pour rappeler l’origine de ce bâtiment.

image fausse qui offre malgré tout un aperçu de ce que pourrait être le projet



L’étonnement qui fera s’inscrire ce lieu dans les guides touristiques est l’idée de transition d’époque et du théâtre de verdure avec son entrée magistrale par une façade qui ne dénaturera pas la place qui sera elle aussi réaménagée en esplanade libérée des places de stationnement.
Il s’agit d’un projet possible pour la ville de Sisteron, réaliste en terme financier, et osé en terme d’image pour une ville connue de par sa situation géographique entre N75 et N85, clue de Sisteron, porte de la Provence et sa citadelle. Ce projet ne demande aucun aménagement de voirie parce qu’un projet amenant des voitures vers ce lieu devrait passer par la seule rue de Provence. Elle même étant déjà étranglée au niveau de l’angle de la Tour de la poste et des finances publiques. Elle devrait alors s’adapter en éliminant des terrasses ou en supprimant toute possibilité de stationnement, même en double file et peut-être en modifiant totalement le carrefour de la montée du Thor. Un parking supplémentaire au Tivoli serait une aberration. Il est moins coûteux d’augmenter la capacité de stationnement près de la gare et d’indiquer sur les panneaux de signalisations des bâtiments à visiter le temps et la distance qui sépare le panneau du lieu à visiter. 10 minutes de marche depuis la gare jusqu’au Tivoli sont seulement nécessaires. 3 minutes depuis la mairie, 2 minutes depuis l’Alcazar, 4 à 5  minutes depuis l’avenue Alsace – Lorraine, 10 minutes depuis le plan d’eau.

Voilà mon projet pour cette place et le Tivoli. Cette attraction jumelée avec la déambulation piétonnière serait d’un grand bénéfice pour les commerces avoisinants.


Commentaire de Charkotte Vandersleyen, architecte (portfolio)

Bonjour Michel

J'espère que tu vas bien.

Trés beau bâtiment, en effet.

Personellement je vois la bruxellisation comme un phénomène négatif et j'ai plutõt l'impression que le projet de développement proposé ne soit en réalité qu'une variation de la bruxellisation: le façadisme.
Bien que ce procédé préserve l'aspect extérieur du bâtiment il est aussi la cause de nombreuses pertes d'un patrimoine architectural (Intérieur) précieux au nom de la modernité.

Je comprends ta préférence pour le façadisme en comparaison avec la radicale démolition mais je pense qu'il y a moyen de rationaliser et de trouver un moyen terme.

Je pense par exemple que deux facteurs importants devraient déterminer la forme du projet: le programme et le budget.

Le programme est lié à l'usage du bâtiment une fois rénové. Je n'habite pas Sisteron et n'ai donc aucune idée de ce qui fait défaut localement mais voici quelques exemples: centre culturel, cinema, musée, centre sportif, maison de repos en combinaison avec garderie, business center, espace de co-working, pop-up shops, hotel avec restaurant, ...
Chacun de ces programmes a des besoins spécifiques et il est important de déterminer ce que cela pourait être avant de spéculer sur la forme finale. N'oublions pas aussi que certains éléments intérieurs peuveunt valoir la peine d'être sauvés et peuvent des lors déterminer quel type de programme est le plus adéquoit.

La question du budget est extrêmement importante et plus particulièrement la proportion entre investissements publics et privés.
Il est important de savoir quel est le budget que la mairie prévoit pour le projet. Certains des programmes cités nécessitent moins de changements structurels que d'autres. Par exemple un espace de co-working est moins couteux qu'un cinema, structurellement. Il faut aussi considérer le retour sur investissement. Un business center permet de créer de l'emploi localement alors qu'un musé est plutôt un coût. La stratégie est-elle d'attirer les touristes ou la creation d'emploi. (de nouveau je ne suis pas sur place, aucune idée).
Certains programmes se prêtent facilement à une collaboration publique - privée: par exemple la gestion du centre sportif et donc une partie des travaux d'entretien peuvent être absorbés par le fournisseur de services gérant le centre. Un hotel pourrait etre totalement privé mais avoir un espace public comme un restaurant par exemple. Un musée est presque toujours un investissement public.

Je pense qu'une fois ces deux paramètres déterminés il serait bon d'organiser un concours d'architecture. ça n'engage à rien mais permet d'ouvrir les horizons et de mettre de nouvelles idées sur la table.

Il suffit de voir Bilbao qui n'était connu que pour la chanson de la vache aux yeux bleux haha et qui est maintenant envahie de touristes.
Voilà, blague à part, j'espère que ça fera avancer le shmilblik ;)

Dis-moi comment ça se goupille.
A bientõt

Commentaires